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Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/249

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les arpents de neige

Pendant qu’il était ainsi occupé, les chefs bois-brûlés donnaient à leurs hommes l’ordre de quitter les tranchées, et le jeune homme l’apprit aux cris de guerre des sauvages et aux hourras répétés de ses compagnons.

Tout en surveillant l’évacuation de l’église, il se disait qu’il était préférable d’attendre, pour agir, le moment où la collision des deux forces ennemies accentuerait le désarroi dont l’incendie avait déjà donné le signal.

Toutefois, il augura assez mal du mouvement de Riel, quand il s’aperçut que, bien avant l’arrivée de ses frères, les artilleurs anglo-canadiens avaient eu le temps de mettre leurs pièces en ligne.

Aux premières décharges, il pensa que le moment était venu d’agir. Une épaisse fumée, à laquelle s’ajouta bientôt celle de la poudre, embrumait assez le théâtre de la lutte pour rendre l’exécution de son dessein relativement facile. D’ailleurs, il avait jeté son chapeau afin d’être, au besoin, pris pour un Pied-Noir, erreur à laquelle pouvait se prêter sa physionomie.

Il s’apprêtait donc à tenter définitivement l’aventure, lorsqu’il vit s’avancer dans la direction d’où il était venu lui-même un homme qui marchait à demi courbé avec des précautions infinies. Si Pierre, malgré la fumée, le distinguait suffisamment aux lueurs mourantes de l’incendie, la réciproque n’était guère possible à cause de l’ombre dans laquelle le jeune Bois-Brûlé était tapi.

Ce personnage approchait rapidement. Tout à coup, il redressa la tête.