Aller au contenu

Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/250

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
235
réconciliation et prouesses

Un nom faillit jaillir de la bouche de Pierre, mais il le retint sur ses lèvres…

Et il demeura debout à la même place, attendant impassiblement celui en qui il venait de reconnaître, à la lueur fugitive d’une flamme, son frère Jean.

À la vue du cadet, l’aîné avait ressenti une sorte de malaise… comme si les choses mauvaises qu’il croyait avoir tuées en lui allaient soudain resurgir… Que venait donc faire son frère en ce lieu ? Mais il eut presque aussitôt honte de son arrière-pensée, et il ne songea plus qu’à aviser de sa présence celui qui s’approchait.

À cet effet, lorsqu’il le jugea assez proche, il toussota deux fois, très légèrement.

Immédiatement, Jean se redressa, la main sur le revolver, les sourcils froncés, cherchant à percer l’ombre. Son indécision fut courte.

— C’est moué… C’est Pierre La Ronde ! souffla une voix.

Le jeune homme ébaucha un geste d’étonnement, mais, sans hésiter, s’avança :

— Qué que t’espères là, frère ? demanda-t-il tranquillement.

— Et toué, quelle idée t’amène ?

— Moué… c’est pour le drapeau…

— Moué de même… c’est pour le drapeau…

Après ce double aveu, il y eut un court silence. Ils sentaient se lever en eux des choses indicibles. Jean, le premier, reprit avec la voix d’un homme qui parle l’esprit ailleurs :

— C’est drôle… on se rencontre avec la même idée… à la même place.