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Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/253

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les arpents de neige

Muni d’une lanterne qui projetait sa lumière falote autour de lui, il semblait chercher quelque chose au milieu des paillasses et des objets de toute sorte abandonnés par les blessés.

— Entrons doucement, dit Jean, il fait noir. Il ne nous verra pas.

Les deux Métis s’avancèrent à pas de loup vers l’échelle qui conduisait dans la tour.

Cependant, l’homme se baissait, tâtait, par terre, un petit sac et en tirait une bouteille qu’il déboucha incontinent et dont il huma longuement le contenu.

À ce moment, il releva la tête, et la lumière de la lanterne lui éclaira la face.

Dans l’ombre, les deux frères avaient tressailli.

— Le Loucheux ! soufflèrent-ils ensemble.

— Le Judas ! gronda Pierre… ça me donne une fameuse envie de lui envoyer…

— Impossible ! interrompit Jean à voix basse… ça mènerait trop de bruit… Puis, faut se dépêcher, rapport au sauvage dont t’as réglé le compte : ses « reliques » pourraient donner méfiance à d’autres…

Pendant qu’ils gagnaient l’échelle, l’Indien, au fond de l’église, ingurgitait, à petites lampées, le contenu de la bouteille :

— Vois-tu c’t’ivrogne ! souffla le cadet… Pendant que ses amis se battent, lui vient « icite » voler le rhum qu’on gardait pour les blessés !

Avec des précautions infinies, ils gravirent les échelons de bois dont quelques-uns, malgré tout, gémirent sous leur poids.

Pourtant, grâce à la canonnade et à la fusillade