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Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/255

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les arpents de neige

hira pas ses amis, mais il veut se venger de ses ennemis.

— C’est pour cette raison, sans doute, qu’il a passé dans le camp des soldats de la Mère-Blanche ? fit Jean avec ironie.

— Sache donc, Sang-Mêlé, que l’Indien déteste les soldats de la Mère-Blanche… Mais il hait bien plus l’homme qui l’a frappé à la face et le maudit magicien de votre village… Les gens du Canada me payent pour les servir, et je me contente de boire leur eau de feu… Mais ils m’aideront, en prenant le village, à satisfaire ma vengeance en tuant le chef sang-Mêlé qui m’a insulté, ainsi que le magicien… Quant à vous, je ne vous en veux pas… à Toi, tu m’as tiré des mains du « manitokaso » lors qu’il m’accusait d’avoir tiré sur celui-ci… je m’en souviens. Allez, vous pouvez emporter votre emblème. Non seulement, le Loucheux ne vous trahira pas, mais il vous aidera même, au besoin, dans cette entreprise.

Le Peau-Rouge avait prononcé cette petite harangue avec une volubilité extraordinaire, sous l’influence de la passion et, peut-être aussi, de l’ivresse commençante…

Mais, en dépit de l’apparente sincérité de son accent, ni Pierre ni Jean ne voulurent braver la possibilité d’être dupes de cet homme étrange et dangereux.

— Merci de tes services, dit l’aîné, non sans brusquerie. Nous avons coutume de faire nos affaires nous-mêmes…

— Pourtant, ajouta le cadet plus conciliant et, dans la circonstance, plus avisé, si tu veux nous