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Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/259

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les arpents de neige

l’incendie qu’un cri aigu perça derrière eux la nuit.

Presque aussitôt, une volée de balles leur sifflait aux oreilles, et ils perçurent le bruit d’une poursuite.

— Y sont su nos talons !… Du nerf !

Et, brandissant le drapeau roulé sur sa hampe, Pierre bondit comme un cerf wapiti pressé par des chasseurs.

Son cadet ne pouvait malheureusement suivre cet exemple : à peine remis de sa blessure, il sentait, après une minute d’efforts, ses forces mal revenues s’épuiser rapidement.

À chaque seconde, ses agiles ennemis gagnaient du terrain ; mais la silhouette fuyante de son aîné se voyait graduellement devant lui dans l’ombre, où il n’aperçut bientôt plus que la vague blancheur du drapeau :

— Qu’il le sauve ! murmura-t-il. Quant à moué…

Presque défaillant, il fit volte-face, revolver au poing, résolu à entraver, autant qu’il lui serait possible, la poursuite des sauvages.

Pierre, cependant, ne tarda pas à s’apercevoir qu’il fuyait seul. Inquiet, il ralentit sa course et tourna la tête.

Au même moment, une voix gutturale clamait au loin :

— Les mains en l’air !

À cette invite de reddition, le revolver de Jean répondit seul.

Un cri d’agonie se fit entendre. Mais il fut presque couvert par la détonation d’un fusil, et quand Pierre, qui accourait à toutes jambes, approcha,