Aller au contenu

Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/263

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
248
les arpents de neige

Les deux carabiniers saisirent leurs pioches, l’un en silence, l’autre en maugréant. L’officier se mit à suivre des yeux le parlementaire qui allait, il le savait, demander aux Métis d’enlever les morts tombés la veille dans le bois… Enlever les morts ! Combien en enlèverait-on encore avant d’être maîtres de la place ? Edward se le demandait non sans appréhension. Il avait déjà vu tant de ses camarades tomber à ses côtés fauchés par les balles métisses qu’il se disait que son tour était peut-être proche et que ce beau jour de mai pouvait être le dernier de sa vie… Ah ! si rien ne l’y avait rattaché particulièrement à cette vie, comme il serait allé au combat insoucieux de son destin ! Mais il songeait à celle qui l’attendait là, tout près, dans la maison dont il apercevait le toit au-dessus des cimes, et il estimait qu’il serait vraiment bien dur de mourir en touchant au port…

— Pourvu que les rebelles respectent le drapeau blanc ! dit à mi-voix le sous-officier aux moustaches rousses, sa main en abat-jour au-dessus de ses yeux pour mieux suivre l’homme qui, déjà, entrait dans le bois.

— Je crois volontiers qu’ils le respecteront, sergent Burns, répondit le lieutenant, qui l’avait entendu. J’ai moins mauvaise opinion des rebelles, je l’avoue, que la majeure partie des nôtres… Certes, je n’aime guère ces papistes ignorants et grossiers qui méconnaissent l’autorité de Sa Gracieuse Majesté, mais il faut reconnaître qu’ils ne sont pas aussi noirs que les ont faits les journaux « orangistes »… En tous cas, ils se battent bien !