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Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/287

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les arpents de neige

Le chef le conduisit au centre de la position.

Là, derrière la ligne des tirailleurs, sur une petite éminence, était planté le drapeau.

Louis Riel le considéra, un instant, en silence… Puis, d’une voix grave, un peu tremblante, il dit :

— C’est toi qui l’as reconquis, Pierre La Ronde… Je te le confie… Tu feras tous tes efforts pour le sauver, n’est-ce pas ?

Le jeune Bois-Brûlé, la gorge serrée, n’articulait pas une parole, mais sa main serra celle de son chef avec une éloquente énergie. À ce moment, la sonnerie du bugle éclatait au loin.

Les deux Métis comprirent que le moment décisif était venu. Presque involontairement, leurs regards se dirigèrent vers l’orée du bois, du côté de la rivière. Rien n’apparaissait toujours… C’était bien fini.

— Allons ! fit Riel résigné.

Son compagnon le suivit, tenant à la main le drapeau.

Dans les tranchées, noirs de terre et de poudre, les Métis, la carabine en arrêt, le magasin garni des dernières cartouches, attendaient le dernier assaut de l’ennemi.

Et, tout à coup, une voix émouvante qu’ils connaissaient bien s’éleva :

— Frères ! disait-elle, voici s’approcher les soldats de nos oppresseurs… Songez que vous allez donner votre sang pour le droit, pour ce drapeau qui fut celui du vieux pays… Soyez braves, soyez forts comme vous l’avez été jusqu’ici… Tenez bon…