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Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/288

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les dernières cartouches

Tenez ferme jusqu’à votre dernière balle ! Dieu vous voit… Soyez forts !

La sonnerie plus rapprochée des bugles déchira l’air. Mais la voix s’élevait toujours : elle dominait l’éclat des cuivres et le bruit de la marée vivante qui montait avec des cris furieux dans un grand piétinement sourd. Elle semblait, cette voix presque surhumaine, venir du fond de l’espace et voler de tranchée en tranchée pour y porter des paroles inouïes de consolation, de réconfort…

À cette minute suprême avec sa face pâle, son air inspiré de prophète et de martyr, Louis Riel, les bras étendus, les yeux levés au ciel, apparut à tous comme l’incarnation même de l’héroïsme et de la foi.

Et les Scouts de French, qui arrivaient au pas de course sous les bois avec l’ardeur d’hommes tenus depuis longtemps en réserve, les Scouts de French entendirent, brusquement, dans un bruit de fusillade, une immense clameur monter du sol…

C’était un triple hourra pour Louis Riel et pour la France, quelque chose d’énorme, de sublime, de farouche, ponctué d’une décharge si meurtrière que, malgré leur élan, ils faillirent s’arrêter, comme aux plus mauvaises heures de la veille…