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Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/290

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à la ferme cadotte

septuagénaire, ami du vieux François, nommé Antoine Cadotte.

Antoine Cadotte avait eu ses deux fils tués à Fish-Creek, où lui-même fut atteint d’un coup de feu à la cuisse. Bien qu’il eût retrouvé en partie son activité, il continuait à se plaindre de sa jambe qui, disait-il, ne « revenait » pas, ce qui l’obligeait à se servir de béquilles. C’était un vieillard aux longs cheveux couleur d’aile de corbeau, encadrant une physionomie plus qu’à demi indienne ; énergique et anglophobe au dernier point, il regrettait vivement de n’avoir pu prendre part aux récents événements.

Aussi, avide de renseignements, ne se lassait-il pas d’écouter Jean La Ronde lui narrer les détails des combats qui s’étaient succédé les jours précédents sur l’autre rive de la Saskatchewan.

Outre les La Ronde, Antoine Cadotte avait recueilli Athanase Guérin, qui, grièvement atteint dans le dernier engagement, était soigné par sa fille Rosalie avec plus de dévouement que d’espoir. La balle qui l’avait frappé n’avait pu être extraite, et l’état du blessé faisait pressentir de graves lésions internes… Ce matin-là, comme il revenait de voir l’infortuné Bois-Brûlé qui, les yeux creux, le teint parcheminé, avait à peine répondu à ses affectueuses paroles, Antoine eut un petit claquement de langue attristé.

— M’est avis que le pauvre Athanase ne durera guère, dit-il à Baptiste arrêté sur le seuil.

La matinée était assez belle. Un soleil intermittent, mais chaud, éclairait le paysage printanier :