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Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/314

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deux revenants

Une extraordinaire expression de mélancolie se répandit sur la figure de Jean.

— Encore un, murmura-t-il d’une voix altérée. Encore un qui me prenait pour un Judas… Ah ! Lacroix, je paie cher mes torts !

— Hé, repartit Lacroix, sûrement qu’il y croyait… et dur ! Car, pour lui montrer que ses idées étaient sur une fausse piste, il a fallu que je vienne lui dire : « Moué, j’ai une preuve que Jean La Ronde, s’il a eu des torts, n’est pas un Judas… Et cette preuve, la v’là… » Et, de suite, je lui ai donnée…

— Mais, quéque t’as pu lui dire ?

Le trappeur sourit : ah ! c’était bien simple. Mais l’étonnement du jeune Métis fut grand en apprenant que, le premier, Joseph Lacroix, devinant son intrigue avec miss Clamorgan, l’avait surveillé. Il ne se doutait pas non plus avoir été suivi à Clark’s Crossing jusque dans l’enceinte des chariots. Caché derrière la tente, l’éclaireur avait entendu toute sa conversation avec les officiers et s’était rendu compte que le jeune homme n’agissait pas par trahison. Lacroix rappela même ce détail qu’il s’était par mégarde accoté à la toile de la tente, ce qui avait fait crier à Simpson que la toile se gonflait et qu’il devait y avoir quelqu’un derrière. À ces mots, sans perdre un instant, il avait « gratté », comme il disait. Ah ! ça n’avait pas été long ! Mais, par malheur, un instant après, un maudit volontaire qui était de « quart » lui envoyait une balle… C’était toute l’affaire.

Plein d’un douloureux étonnement et de l’amer-