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Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/315

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les arpents de neige

tume que remuait en lui ce passé, Jean La Ronde se taisait. Lacroix reprit aussitôt :

— Ainsi, j’ai de suite connu que t’étais un homme honnête… Et si j’avais été « chez Gariépy », t’aurais pas enduré ce que t’as enduré, mon pauv’gas… Faut dire aussi que ça été joliment de ta faute… Tu t’es féru d’une Anglouaise, une fille éventée qui t’a bafoué, une rien de bon, quoi !

Le jeune Métis était devenu très pâle. D’une voix un peu tremblante, il dit :

Miss Clamorgan a agi comme maintes auraient fait à sa place… P’t’être qu’elle a mis un peu à profit… que… je la trouvais à mon goût… Ça, p’t’être ! Mais c’était pour donner des nouvelles à son frère et…

— Stop là ! interrompit Lacroix décidé à frapper un coup suprême… V’là justement où la mâtine t’a roulé dedans comme un novice… J’ai été un bout de temps au camp canadien, pas vrai ? Eh ben, si tu me connais, tu peux te dire que j’ai pris mes renseignements… J’ai su, en ouvrant l’oreille de droite et de gauche, des fois en questionnant un brin les « gensses » qui me soignaient, j’ai su que l’officier, le lieutenant, ne se nommait pas plus Clamorgan que je me nomme Grand-Ours… Y s’appelle Simpson, Edward Simpson, donc, il n’est pas plus frère que toué de la fille… Il est, tout bonnement, à ce qu’y paraît, son promis… T’avais pas « doutance » de ce coup-là, je crois ?

Atterré par ces révélations, Jean se taisait : très pâle, il sentait ce qu’il gardait encore de sentiment pour cette femme au fond de lui-même, ce rien de