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Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/318

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XXVIII
trois irréductibles

Tandis que ces événements se passaient à la ferme Cadotte, François La Ronde et l’aîné de ses petits-fils couraient les plaines en compagnie d’un Peau-Rouge, à plus de soixante lieues de là, dans l’Ouest…

Au moment où les carabiniers et les grenadiers anglo-canadiens poussaient les défenseurs désarmés de Batoche à la rivière, Pierre La Ronde n’avait eu qu’une idée : sauver le drapeau. Entouré de cinq ou six éclaireurs auxquels s’était joint son grand-père, il battit donc en retraite vers la Saskatchewan parmi une grêle de balles si drue que, parvenu au rivage, il ne lui restait plus que trois compagnons : le vieux François et deux Indiens assiniboines. En un clin d’œil, ils eurent mis à l’eau un frêle esquif d’écorce prudemment dissimulé sous des buissons.

Il était temps.

À peine avaient-ils gagné le milieu du courant que des soldats apparaissaient sur les berges, leurs fusils encore fumants de poudre et surmontés de baïonnettes rougies. Autour des fugitifs, les projectiles commencèrent à pleuvoir, faisant gicler l’eau comme une grosse averse de grêlons ou ricochant à sa surface. Des cris, des imprécations leur