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Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/319

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les arpents de neige

arrivèrent aux oreilles à travers les crépitements d’une fusillade meurtrière, sous laquelle ils voyaient ceux de leurs frères qui avaient tenté de traverser la Saskatchewan à la nage teindre son eau de leur sang… Et, dans ces soldats exaspérés et hurlants, on pouvait déjà pressentir les hommes que, deux jours plus tard, le général Middleton serait obligé de consigner dans leurs tentes pour éviter le massacre de Louis Riel prisonnier.

Le vieux François, Pierre et l’un des Indiens parvinrent pourtant à gagner sains et saufs la rive gauche. Seul, l’autre Indien gisait mort au fond de la barque, les poumons traversés d’une balle. Ils enlevèrent le cadavre, cachèrent l’esquif dans les fourrés, puis se mirent en marche vers le Nord-Ouest.

Pas un instant, l’idée d’abandonner la lutte ne sollicita l’esprit de ces trois hommes.

La rivière une fois mise entre eux et leurs ennemis, ils décidèrent d’un commun accord de rejoindre, sur la branche nord de la Saskatchewan, les Indiens qui tenaient toujours campagne et, avec leur aide, de courir, derechef, sus à l’Anglais… Ces irréductibles étaient d’ailleurs convaincus que Louis Riel ne tarderait pas à réapparaître avec les débris de ses troupes et que, cette fois, ils culbuteraient les « hérétiques » en dépit de leur nombre et de leurs canons. En attendant, ils se dirigeaient vers Battleford, où les Assiniboines de Poundmaker avaient à peu près bloqué les forces du colonel Otter. Mais, une cinquantaine de lieues les séparant de cette localité, ils ne pouvaient guère compter l’atteindre