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Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/323

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les arpents de neige

en place de venir se mettre à notre tête ! Si c’est pas malheureux ! Est-ce que tu crois, toué, que l’affaire s’est passée de même ?…

— J’en sais rien, répondit Pierre avec humeur. N’y aurait rien de drôle quand les Anglouais, qui tenaient captifs la femme et les enfants de Riel, auraient fait quéque « manigance » d’enfer pour forcer le chef à venir les retrouver… Mais, foi d’homme ! s’il est pris, c’est une raison de plus pour qu’on cogne su ces chiens d’hérétiques et qu’on tâche de le tirer de là… Tant qu’à moué, j’y laisserai plutôt mes os !

— Et moué de même donc ! affirma le vieillard à son tour… Et pourtant si Louis Riel… oh ! qué malheur !

Le jeune Métis se tourna vers l’Indien :

— Et toi, homme rouge, es-tu toujours décidé à la lutte ?

— Les sujets de la Mère-Blanche sont des chiens ! déclara l’Assiniboine avec énergie. Un guerrier de ma nation sait mourir les armes à la main.

Une expression de joie farouche illumina le visage balafré de Pierre, qui coupait rageusement à coups de hachette quelques branches d’un arbre voisin pour faire du feu :

— Va toujours ! gronda-t-il. Les « pourious » d’Anglouais ne nous tiennent pas encore, et on trouvera d’icite à peu de jours le moyen de cogner su leurs faces de malheur !

Le lendemain, de bonne heure, les fugitifs reprirent leur route, mais, dans la nuit qui suivit, le vieux François fut saisi de frissons.

La nouvelle de l’arrestation de Riel semblait