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Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/360

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l’espoir renaît

esprits concevaient peut-être mal. Et le vieil Antoine trouva au fond du sien la réponse qui convenait. D’un geste grave, il enleva sa toque de peau et dit, de sa voix de septuagénaire un peu tremblante :

— M’sieu le vicomte, dans ce pays-cite, on est de pauvres Françâs sauvages, mais on est de bien bons Françâs tout de même.

— Merci… mon brave… merci, mon ami ! lui répondit, avec une énergique poignée de mains, le jeune homme tout ému.

— Et maintenant, ajouta-t-il sur un ton plus gai, versons-nous une rasade de rhum…, de rhum de « Jean-Marie », comme vous dites, et buvons à l’avenir de la vieille et de la jeune France !

Les verres furent emplis. Mais Henry de Vallonges, s’étant recueilli, ajouta :

— Buvons à l’avenir, mais sans jamais oublier le passé, ni ceux de nos frères, de nos proches, qui sont tombés sous les balles anglaises, sans oublier non plus notre pauvre Riel qui souffre encore là-bas, dans la prison de Régina, et qui payera peut être de sa vie le triomphe futur des siens…