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Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/374

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entre le passé et l’avenir

— Y faisait un soleil pareil ! déclara Lacroix.

Au bout d’un instant, le vicomte reprit :

— Je regrette bien que nous n’ayons pas songé à faire venir Baptiste. J’aurais aimé que nous fussions tous réunis en ce jour… Quoi qu’il en soit, je propose d’associer au bonheur dont nous jouissons à l’heure actuelle le souvenir de nos chers morts… C’est beaucoup à leur sacrifice que nous devons les joies du présent.

— Pour sûr ! appuya Jean. Mais c’est surtout à notre pauvre Louis Riel…

— Un saint, ç’lui-là ! interrompit Lacroix avec conviction.

— Une âme éprise de justice, dans tous les cas, fit le missionnaire, un peu rêveur.

La conversation se poursuivit sur ce ton durant un bon moment. Mais le P. Léonard et Vallonges ayant entrepris d’instruire Philippe Dussereaux de certains détails de la campagne, Lacroix demanda à Jean de lui montrer une paire de chevaux qu’il avait à vendre.

L’ancien éclaireur était un de ces hommes nés exclusivement pour l’action, pour la lutte, et qui ne s’attardent guère au souvenir des choses passées. Lorsqu’on évoquait devant lui la prise de Batoche, il disait simplement : « C’est un grand malheur ! » et, pour lui, le sujet était épuisé. Les deux chevaux de La Ronde l’intéressaient autrement que les récits du missionnaire et du vicomte, et surtout que les réflexions de leur auditeur…

Quand les deux Français et le religieux furent seuls, Philippe Dussereaux, se tournant vers ce