Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/66

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
51
de charybde en scylla

Mais je vous la cède pour aller à Battleford… vous me la rendrez quand vous pourrez.

Depuis un instant, miss Elsie fixait d’un œil pensif l’étrange garçon. Il s’en aperçut et, se tournant vers elle :

Acceptez, miss, supplia-t-il… il y va de votre salut, peut-être…

— Jeune homme, reprit Hughes Clamorgan avec autorité ; vous nous avez sauvé la vie. C’est fort bien. Mais, à quel titre ?

— Comment, à quel titre ?

— Vous ne comprenez pas ? Je veux dire que, bien que vous soyez un demi-blanc français, ce n’est pas comme ennemi, sans doute ?

Le Métis semblait perplexe. Il répondit enfin, hésitant :

— C’est à titre de chrétien.

— Parfaitement ! s’exclama le fermier de l’air triomphant d’un homme qui vient de faire une découverte. Je vous ai compris. Mais, croyez-moi, mieux vaudrait avouer que vous cherchez à réparer, autant qu’il vous est possible, l’erreur, la folie de vos frères. Cette franchise serait tout à fait honorable pour vous. Vous reconnaissez quel est le parti de la justice et de la civilisation… Alors, pourquoi hésiter davantage ? Laissez les sauvages demi-blancs et indiens à leurs massacres et accompagnez-nous à Battleford…

L’Anglais eût, sans doute, continué cette espèce de monologue durant un instant encore si le Métis, dont le visage, après avoir exprimé la stupéfaction, était devenu d’une couleur terreuse, ne lui eût jeté