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les arpents de neige

— Comment, vous nous céderiez votre monture !

La figure grave du jeune homme s’éclaira d’un léger sourire.

— Vous ne prétendez pas, je pense, faire ce trajet à pied… surtout dans l’état où vous êtes et sans prendre de nourriture… Or, vous aurez, au moins, du pemmican…

— Fort bien ! Mais vous-même, comment allez vous faire ?

Oh ! moi, je ne suis pas blessé, et puis j’ai une bonne carabine. Quant au cheval, il ne me sera pas difficile de m’en procurer un autre…

— Veuillez excuser mon indiscrétion, jeune étranger, dit alors Hughes Clamorgan avec une nuance de raideur, mais votre accent me laisse croire que vous n’êtes pas Anglais… j’entends Canadien-Anglais ?

— Non, je suis demi-blanc.

— Demi-blanc… écossais ?

Appuyé sur sa carabine Winchester, vis-à-vis du fermier qu’il enveloppa d’un coup d’œil résolu, le jeune homme répondit d’un ton ferme :

— Non, sir. Demi-blanc français.

Un silence un peu embarrassé suivit ces paroles. Enfin, l’Anglais, portant la main à sa ceinture, s’écria avec une évidente satisfaction :

— Grâce au ciel, je possède encore mes papiers et aussi quelques valeurs que j’avais emportées…

Et, aussitôt, d’un ton plus froid :

— À combien estimez-vous votre jument ?

Cette brusque question parut légèrement inter loquer le métis. Il répondit enfin :