sa main libre, il reprit les rênes, et, des deux talons, poussa en avant sa monture.
Ils avancèrent vers l’Est sans jamais perdre de vue la rivière, dans un silence à peine interrompu de temps en temps par le fermier qui se plaignait de souffrir de la tête. Le ciel était assez clair ; le soleil venait de se lever, et des buées blanches flottaient encore parmi des débris de glaçons. À l’approche des voyageurs, des essaims de loriots noirs et dorés s’enlevaient des buissons de la rive : des espèces de gerboises appelées dans le pays « gophers » filaient sous leurs pieds. La prairie où pointaient çà et là des bouquets d’arbres s’étendait en face d’eux, illimitée.
— Savez-vous l’idée qui me vient, mon père ? dit tout à coup miss Elsie. Eh bien ! je songe à ce garçon que j’ai certainement vu quelque part, je ne sais plus où, avant la rébellion… Et je m’imagine que c’est lui qui nous a envoyé, après le massacre de Frog-Lake, l’avertissement de gagner le Fort-Pitt.
Le fermier réfléchit un instant.
— C’est, en effet, fort possible. Mais, n’importe, je ne vois pas du tout à quel titre il nous rend ces services. Son départ précipité de tout à l’heure est étrange. Je me serais donc trompé sur ses intentions. Mais, alors, à quel mobile a-t-il obéi ?
Après un moment de silence durant lequel il parut chercher la solution de ce problème, il se décida à conclure :
— Non, je ne devine pas… Ni vous non plus, sans doute ?