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les arpents de neige

Un sourire énigmatique que le fermier ne pouvait voir effleura les lèvres roses de miss Elsie. Toutefois, elle répondit :

— Ni moi non plus, mon père.

Toute la matinée, ils chevauchèrent sans arrêt. De temps à autre, le colon mettait pied à terre pour soulager sa monture.

Vers midi, ils aperçurent une ferme abandonnée, Un vieux chien efflanqué, presque mourant, qui gisait, les deux pattes cassées, près d’une boite à savon vide, troubla seul de ses jappements le silence environnant dès qu’ils eurent franchi la « fence ». Leur jument, une fois dessellée, trouva dans l’écurie abondance d’orge et de paille de maïs. Eux-mêmes découvrirent dans un coin de la victuaille encore fraîche et de nombreuses bouteilles de spiritueux.

Après un dîner frugal, mais auquel ils firent honneur, et une sieste d’une heure où ils retrempèrent leurs forces, ils jugèrent à propos de reprendre leur route.

Comme ils quittaient l’enceinte, la jeune fille poussa un léger cri. Le fermier, occupé à assujettir une boucle de la sangle, releva vivement la tête.

À cent pas d’eux, une troupe d’une demi-douzaine de cavaliers pointait dans leur direction.

— Les Indiens ! murmura miss Elsie, pâle comme une morte.

Se dérober était désormais impossible. Déjà, des carabines s’apprêtaient pour le cas où les fugitifs eussent esquissé une velléité de fuite.