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VI
le chef des éclaireurs

Après avoir quitté son père et son frère cadet, Pierre La Ronde, la rancune au cœur et tout frémissant encore de l’altercation qu’il avait provoquée, s’était dirigé vers l’extrémité nord du village. Il marchait sans but, les sourcils froncés, les yeux fixés sur le sol, quand des pas de chevaux lui firent relever la tête.

Un Métis barbu s’avançait vers lui, monté sur un cheval gris qu’il guidait d’une main, tandis qu’il conduisait de l’autre une jument alezane. Le jeune homme reconnut aussitôt un de ses voisins, nommé Joseph Lacroix, chasseur émérite, dont la sûreté de coup d’œil et l’habileté à suivre une piste étaient presque proverbiales dans Batoche.

— Bonjour, Pierre, dit Lacroix en arrêtant sa monture à deux pas du jeune Métis. Ben sûr que je suis content de te voir, mais, foi d’homme ! j’aimerais encore mieux rencontrer ton frère cadet.

— Tu lui veux quéque chose ? questionna l’aîné des La Ronde, dont la figure s’était rembrunie.

— Oui… rapport à sa cavale.

D’un coup d’œil rapide, Pierre enveloppa l’alezane.

— Par ma foi, c’est ben elle ! s’écria-t-il plein d’un visible étonnement. Mais où diable l’as-tu cueillie ?

— AH ! tu ne t’en doutes guère… À plus de vingt lieues d’ici… sur la rivière Du Pas.