Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/105

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tionnaire, ou d’avoir des opinions philosophiques différentes de celles exprimées dans ces cénacles.

On se demande, dès lors, ce que devient la Liberté pour laquelle ces groupements croient très sincèrement combattre.

L’humanité, hélas ! n’a qu’une physionomie morale. Partout elle présente les mêmes plaies, la même ignorance des causes, la même incurie, l’éternelle insouciance de l’avenir.

Au nom de la Liberté, en prêchant l’Egalité et la Fraternité, elle fusillera ou guillotinera, comme elle fusille et guillotine sous un régime royal, en se couvrant avec le principe d’autorité.

Elle attaque les prisons mais, quand la démocratie, parti qui prétend sauvegarder l’indépendance, arrive au pouvoir, elle s’empresse de les remplir et d’en édifier de nouvelles.

Contradictions étranges, mais explicables pour ceux que les passions n’émeuvent jamais.

Cependant Beauvoisin, qui sentait l’imminence du danger, se multipliait.

— Voyons, Trouillard, vous n’êtes pas à votre club de la démocratie. Vous n’allez pas transformer la noce de ma fille en réunion politique ?

— Allons Drouet, allons Bourdais, laissez mon bijoutier tranquille, il ne baptisera pas vos enfants de force.

Beaugoujat, très digne, se disposait à prononcer un discours.

Mais Joseph Sourtardier se mit à chanter avec des éclats de voix formidable.

Esprit saint, descendez en nous,
Esprit saint, descendez en nous.

Cela fit l’effet d’une douche glacée sur le dos des belligérants.

Trouillard s’enfuit en criant :

— C’est horrible ; assez, assez !

Beaugoujat, interloqué, s’arrêta au beau milieu de sa phrase de début, une phrase très étudiée.

— Mesdames, messieurs, l’esprit de conciliation qui nous a toujours guidés…