Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/122

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se méfiaient par suite de la réputation séculaire des langues qui les desservent.

Lors de l’invasion de 70, ils avaient élu domicile dans une sorte de catacombe sise sous le pied d’un vieux château féodal, dont les ruines lamentables se dressent au flanc d’un coteau que suit en sinuosant la Risle, petite rivière capricieuse, ennemie des chaleurs estivales, sans doute, cheminant sous terre en juillet-août, et sous les étoiles durant les nuits polaires ou le soleil pâle des jours d’hiver.

Quatre pans de murs enserrés par les lierres, un chaos de pierre, des noisetiers au travers, des ronces partout avec quelques serpents parmi, accusent encore l’existence finie d’un castel important de jadis.

Ce fut Giraud père qui découvrit, en furetant les lapins, l’orifice du souterrain obstrué depuis nombre d’années par les décombres de l’antique demeure.

Il ne fit part de sa découverte à personne, se réservant de l’utiliser pour dérober en temps utile les victimes de ses chasses nocturnes, ou même sa silhouette si besoin était, lorsque les gardes, attirés par les coups de feu, s’acharnaient à le poursuivre dans les brumes des taillis éclairés faiblement par les rayons lunaires.

Cependant, dès que les Allemands eurent envahi le pays, il se départit de sa réserve et dévoila aux camarades l’existence du caveau qui fut transformé, partie en corps de garde, partie en magasin de munitions.

Et les braconniers, devenus guérillas, harcelèrent de leur mieux les colonnes prussiennes.

Insaisissables, ils tuaient par-ci, ils tuaient par-là, tant que l’ombre de la nuit les protégeait, et regagnaient leur cachette au point du jour.

Il vint un moment, cependant, où ils se lassèrent des surprises et attaques nocturnes. Une folie guerrière les saisit ; ils voulurent combattre à la face du soleil, et gagnèrent, pour réaliser ce désir, les plaines du Neubourg.

Là, ils connurent les déboires des armées régulières. Leurs carabines à faible portée devinrent inutiles, et les feux lointains de l’ennemi frappèrent mortellement quelques camarades.