Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/123

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Alors les braconniers se décidèrent à regagner la forêt.

Pour ce, il fallut faire un long détour et battre en retraite du côté de Bernay, tentant de-ci, de-là, quelques retours offensifs, lorsque la pénombre d’une nuit sans lune enveloppait les sillons.

Toutefois, en cette reculade douloureuse, ils eurent la satisfaction d’une revanche inespérée.

Tandis qu’ils s’acheminaient, l’œil morne, las de la marche, vers les bois protecteurs, ils se heurtèrent à un bataillon de mobiles inexpérimentés, sans chefs, suivis à distance par un détachement de uhlans dont la mission évidente consistait à surveiller ce troupeau d’hommes inconscients du danger.

— Attention, les gâs, s’écria Giraud père, y a un beau coup à faire, et il ne sera pas dit que nous serons rentrés bredouilles. Hé ! les enfants, fit-il, en s’adressant aux mobiles, prêtez-nous pour un instant vos flingots qui portent plus loin que les nôtres, et nous allons en deux temps, trois mouvements, vous débarrasser de ces mangeurs de choucroute. Continuez votre marche. Nous allons nous embusquer dans ce bouquet de bois que vous distinguez sur votre droite et vous m’en direz des nouvelles.

Ainsi fut fait.

Les uhlans ne virent pas, masqués qu’ils étaient par les broussailles, les braconniers revenir sur leurs pas, et se dissimuler dans le taillis.

Quands ils furent à cinquante mètres, Giraud dit à voix basse :

— Chacun notre homme, les enfants. Ils sont dix, nous sommes neuf. Celui qui descendra le dernier à la volée sera le roi des affûteurs. Pas vrai ? Allons, du coup d’œil. Feu dans le tas !

Neuf cavaliers roulèrent sur le sol. Le dixième tourna bride et s’enfuit au galop de sa monture.

— Trop tard, mon vieux ? s’écria Giraud, qui prestement, avait rechargé son arme.

Il épaula, le bras rigide comme une barre d’acier, et le survivant, atteint entre les deux épaules, s’abattit lourdement