À propos, chef, on pourrait réveiller le docteur pour examiner ça.
— Parfaitement, on lui sonnera le réveil en passant. Allons en route, mon vieux, fit-il en s’adressant au prisonnier. Et vous Billoin en avant, vous accompagnez l’homme, pour la raison que Bourgougnon traîne salement la jambe.
— Bon, il ne me manquait plus que cette corvée, protesta Billoin.
Le lendemain, au rapport, le marquis félicita chaudement Bourgougnon.
— À la bonne heure, mon brave. Ah ! ce n’est pas Billoin qui aurait fait une capture comme celle-là. Chef, vous donnerez deux cents francs de gratification à mon garde de Serquigny, un brave garde celui-là. Tâchez de l’imiter, Billoin. Et vous tous aussi. Allez, mes amis. Ah ! cela va se gâter, messieurs les braconniers.
Et les gardes se retirèrent, jaloux du succès de leur collègue, tandis que l’infortuné Billoin répétait, assommé par la harangue seigneuriale :
— Ah ! le bon Dieu n’est pas juste tout de même.
Les braconniers rirent trois jours entiers, bien que graves comme tous les frustes dignes de ce nom, de la capture de Bourgougnon.
— En v’là un qu’a du vice, disait Giraud l’aïeul, ainsi que l’appelaient les camarades par opposition au fieu.
Lanfuiné de Gouttière, qui connaissait Mathieu, avait donné tous les renseignements sur le pseudo-braconnier — un honnête cultivateur, lequel se payait tous les mois un lapin du marquis. Pas un premier fusil, ajoutait-il. À l’appui de cette assertion il citait notamment un fait, ou plutôt une farce démontrant la maladresse du bonhomme.
— Faut vous dire, narrait-il, que ce bon bougre de Mathieu se figure être le meilleur tireur de la contrée. Quand il habitait Gouttière, car y a pas plus d’un an qu’il est à Serquigny, il avait en location deux ou trois méchants lopins