Que l’énigme ultime reste énigme, affirmeront les sages.
Mais les simples, qui sont des sages, ne pensent point à toutes ces choses. Billoin était content de sa guérison, parce que tout être vivant à moitié tué par la maladie est heureux de renaître à l’existence.
Pareil contentement se rencontre parfois, même chez ceux que la vie dégoûte au point de se suicider et dont la tentative de meurtre personnel n’a pas réussi.
Loriot, lui, n’en éprouvait pas une satisfaction considérable. Sans doute il estimait beaucoup Billoin, mais il aimait encore plus sa tranquillité. Et ce diable d’homme, aussitôt sur pieds, n’allait-il pas être repris par son idée fixe qui consistait à pincer le braconnier Giraud.
Car de tous les autres il se souciait peu ; sans doute il les eut pris par métier, pour accomplir son devoir. Mais son amour-propre, froissé par l’époux de la bossue, lui suscitait des idées de revanche préjudiciables au repos de ses collègues.
Cette blessure morale serait-elle guérie avec l’affection du corps ?
Le garde-chef eût bientôt la conviction que la réponse à cette question devait être négative.
Un soir qu’il causait avec son subordonné encore alité, deux coups de fusil retentirent non loin de la maison du garde.
Billoin tressauta sous les couvertures.
— Nom d’un chien ! je parie que c’est encore ce brigand de Giraud.
Le ton de cette exclamation haineuse atteignit le brigadier en plein cœur. Tonnerre ! il n’avait point oublié. Est-ce que la chasse à l’homme, dès son rétablissement, allait recommencer, chasse terrible dans la nuit et dans celle plus sombre des taillis, des futaies et des sapinières ?
On était en septembre ; déjà le soleil était pâle pendant le jour et des tempêtes précoces agitaient la forêt.
Le vent, au dehors, en cette soirée, passait avec des gémissements dans les branches des arbres et s’engouffrait en la cheminée dans laquelle brûlaient deux troncs de sapin, pour chasser l’humidité froide de la tempête.
Loriot se taisait, n’osant aborder un sujet difficile pour