Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/185

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Ils obéissaient, mais leurs fusils ne portaient qu’à deux cents mètres.

Et la retraite se changea en déroute.

Ce que voyant, les Allemands avancèrent, mirent en position deux pièces de campagne, pas des tonneaux, et lancèrent quelques obus sur la ville.

Cette démonstration, demeurant sans réponse, ils continuèrent leur marche en avant, ce qui permit aux braconniers de descendre chacun leur homme et de profiter de l’étonnement de l’ennemi pour disparaître.

Courtamblaize avait découvert ce fait d’armes et le commandant qu’il avait fait décorer.

Puis, continuant à secouer la corde patriotique, il avait créé un banquet annuel dont les cartes portaient : « Anniversaire de la défense de Bernay. »

Il avait profité de cette réunion pour faire quelques adeptes. Car on lui était reconnaissant d’avoir tiré de l’ombre une tentative de résistance qui, pour n’être pas brillante, n’en constituait pas moins un acte fort méritoire.

Le commandant n’avait pas, somme toute, volé sa décoration ; car n’était-il pas plus courageux, malgré l’inutilité de marcher avec de telles armes à l’ennemi, que de le combattre avec de vrais fusils et de vraies munitions, comme l’armée régulière ?

Inutile de dire que cette défense de Bernay était amplifiée démesurément par Courtamblaize.

Dans les comptes rendus du banquet il coulait des ruisseaux de sang, le tonneau était dénommé coulevrine et le mouvement d’arrêt des lignes allemandes devenait une retraite précipitée.

Les braconniers étaient invités à ces agapes et le commandant, ruban et croix sur la poitrine, félicitait le père Giraud, le capitaine, comme il disait, des francs-tireurs forestiers.

Le roi des braconniers amenait, avec les camarades de 70, son fils et sa bru.

Et la bossue, au dessert, y allait de sa chanson patriotique.