Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/188

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À mon âge je peux me risquer de temps en temps. T’es élevé, pas vrai. T’as une femme de raison, mon fieu. Suis ben tous ses conseils. C’est pas pour dire, mais quand vous vous êtes mariés je ne l’aurais pas cru comme ça ; même, je le dis franchement que j’y étais un peu opposé. Tu comprends ça, Estelle ; tout le monde en aurait fait autant à ma place.

Et puis c’te bout de femme qu’a de la tête fait des éfants comme celle du brigadier de Beaumont, une commère dont les fesses et les estomacs sont plus gros que les citrouilles à M. le curé.

Le soir venu, après souper, ils retournaient bras dessus, bras dessous à la ferme.

Il fallait traverser pour revenir les bois de Conché sous lesquels les animaux de la forêt font parfois des excursions après avoir traversé une petite vallée où les fontaines décrivent des demi-cercles avant de se jeter dans la Risle. Giraud, emporté par sa passion de la chasse, examinait les pieds imprimés sur le sol humide. Mais la bossue l’interpellait vivement :

— Dis donc, mon homme, j’avons autre chose à nous occuper. Demain matin faudra être de bonne heure à l’ouvrage.

Il soupirait et silencieusement se remettait en route.

À Noël le père les invita pour réveillonner.

La bossue, heureuse d’embrasser ses enfants pendant toute une journée et une partie de la nuit, — car Beauvoisin leur avait donné congé pour un jour et une nuit — accepta de grand cœur.

Vers minuit le fils Giraud dit à son père :

— Si on allait faire un tour en forêt. Billoin est à la messe de minuit avec ses collègues ; y a pas de danger.

Mais Estelle protesta :

— Non tu n’iras pas, mon homme, pour que ça te reprenne encore. Tiens je préfère aller me noyer tout de suite.