Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/187

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

je lui fais, elle devait claquer si elle en avait et elle en a, et de fameux.

— Sûr qu’il s’est trompé. À vrai dire, pour le premier, ça a été dur, mais il est venu tout de même et ben vivant, même qu’il criait comme un viau qui vient de naître.

À l’étonnement de Beauvoisin succédait un peu de libertinage gaulois.

— Mille pétards, il doit rien paraître lourd tout de même, dans les moments intéressants.

— Ça, c’est pas votre affaire, répliquait la bossue.

— Hue, la grise, criait le fermier.

Et la jument, accélérant son allure, ne tardait pas à atteindre la ferme et son écurie où un bon picotin d’avoine l’attendait.

Les Giraud vécurent de la vie des champs, sans intermèdes, jusqu’à Noël. Ils allaient, le dimanche, voir les enfants chez le père.

Mais la bossue, accrochée au bras de son homme à l’aller et au retour, ne le quittait pas un instant.

— T’as raison, ma fille, disait le roi des braconniers, t’as ben raison. Vous avez des éfants, pas vrai, eh ben ! faut les élever, gagner sa vie pour ça et ne pas risquer sa peau. Et puis v’là-t-i’pas que c’te mauvaise graine de Billoin est ressuscitée ?

La maladie l’a rendu enragé. On ne peut même p’us aller ramasser du bois mort sur sa garderie.

Paraît qu’il est furieux de ton départ. Il t’en veut toujours à cause du cerf de chasse.

Ah ! gâs tu nous as causé ben du tort, ce jour-là.

Cet animal de Billoin dort encore moins qu’avant sa fièvre. Malgré tout notre savoir, nous avons failli, y a huit jours, nous faire pincer par lui, Lanfuiné et moi. On n’ose plus tant seulement fusiller un lapin. Vous êtes ben heureux, ben heureux vous autres qui gagnez de l’argent sans risques.

Le fils Giraud ne soufflait mot.

— Eh ben, gâs, t’es donc pas satisfait ?

— Mais si p’pa. Seulement tu sais c’est dans notre sang et je ne peux pas m’empêcher de regretter nos nuits d’affût.

— Oui, mais faut se faire une raison à cause des éfants.