Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/28

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cerveau, et d’un bond il fut debout disposé à s’enfuir à toutes jambes. Mais rien ne bougea.

Alors il écarta doucement les fougères et aperçut un homme immobile étendu, le ventre à terre.

— Bon sang de Dieu ! s’écria-t-il, on dirait Laurent.

Il s’assura qu’il ne se trompait pas. Une nappe de sang que la lune éclairait vaguement s’échappait en s’arrondissant de dessous sa poitrine plaquée sur le sol.

— Bon sang de Dieu ! répéta-t-il, c’est Laurent.

Il leva les bras au ciel, comme pour le prendre à témoin que ce n’était pas de sa faute, et regagna à grands pas le fourré où il disparut.

Et le mort resta sous la fougère, au pied d’un chêne solitaire le couvrant de son ombre, tandis que la lune pâle, qui venait de se lever, montait sur l’horizon.

Au bout d’un quart d’heure, les gardes survinrent. Ils avaient bien entendu les détonations, mais des échos nombreux dans cette partie de la forêt les avaient induits en erreur. Ce fut le dernier coup de fusil, celui qui avait tué raide Laurent, dont le bruit unique fit trouver à leurs oreilles devenues attentives la direction probable. Encore se trompèrent-ils de quelques centaines de mètres.

Il y avait Billoin, Bizais, Bourgougnon, Foulon, Beaupré et le garde-chef Loriot.

Ils traversèrent la route à l’endroit même où la carriole avait fait demi-tour. Une pluie assez abondante, tombée dans la soirée, avait détrempé ila route. Le tracé des roues était très apparent. Quelques gouttes de sang éclairées par la lune apparaissaient nettement.

— Pas besoin de chercher plus longtemps, chef, dit Billoin. Voilà l’endroit où ces brigands ont chargé. Ah ! ils ont fait leur grand coup ce soir du côté opposé où nous les guettions. On ne peut pas être partout.

— Filons, opina Loriot. Que personne ne souffle mot de l’aventure. Nous serions traités d’imbéciles par monsieur le marquis. Car ce sont les vieux qui ont donné ce soir et monsieur le marquis leur garde une dent.

Ils se disposaient à partir ; mais Beaupré, un curieux, voulait savoir combien ils en avaient démoli.