Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/42

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Le diplômé, correspondant de l’Académie de médecine, titre qu’il s’était décerné après son mémoire obstétrical sur le cas de la petite bossue, incrimina le régime substantiel auquel s’astreignait trop volontiers Muratel, lequel accusa les oiseaux de nuit.

— Ça m’a tout remué, docteur, ces sales bêtes. Sans doute on n’est pas superstitieux, ni peureux ; malgré cela on ne peut pas s’empêcher d’avoir un frisson. C’est un reste d’instinct, docteur, un effet d’atavisme.

Muratel avait lu « La bête humaine » et voyait, depuis, l’atavisme partout. Il avait essayé d’expliquer ce mode de transmission terrible au lieutenant des pompiers.

— Vous comprenez, Bidochon. Une supposition que votre grand-père ait eu l’habitude de tuer un cochon tous les ans, eh bien ! vous ne pouvez, vous, son petit-neveu, voir un porc sans songer à le poignarder, vous saisissez bien, à le poignarder.

— Mais, monsieur Muratel, j’aime beaucoup le boudin, toutefois, j’aime mieux que Bodinier, votre charcutier et le mien, l’égorge que moi.

— Parce que vous n’avez pas eu d’ancêtre du métier de Bodinier, mon pauvre Bidochon, expliquait le brave homme.

Et tout naturellement il avait appliqué l’atavisme à son cas :

— Vous comprenez, disait-il à Boulard, j’avais une grand’mère qui tenait de sa grand’mère, laquelle grand’mère tenait de la sienne.

— Naturellement, approuvait le médecin.

— Ah ! vous y êtes, docteur, s’écriait Muratel.

— C’est-à-dire, que j’essaie de vous suivre, répliquait Boulard.

— Bon, suivez-moi. Mais je pensais qu’un savant comme vous aurait compris la chose d’un coup.

— Je préfère vous écouter.

— Donc, continuait le malade, je vous disais que ma grand’mère était très superstitieuse.

— Vous ne m’avez rien confié de semblable. Enfin, je vous écoute toujours.