Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/48

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— Il plaidait le faux pour savoir le vrai.

— P’t’êt’e ben. N’empêche qu’il avait l’air informé. Il m’a parlé des noces du Lion-d’Or. Ragneux aura eu la langue trop longue.

— Pas de danger. Billoin fait des suppositions.

— Il a ajouté que s’il te pinçait, il ne te lâcherait pas.

Giraud se mit à rire et dit :

— Oui, mais faudrait me pincer.

— Tu sais, il m’a insultée, s’écria tout à coup la bossue, qui avait décidément une dent contre Billoin.

— Ah ! ça, c’est autre chose, gronda l’homme en serrant les poings, et c’est à lui de prendre garde. Mon fusil vaut le sien et j’ai peut-être meilleur œil que lui.

Mais Estelle, effrayée, le modérait.

— Voyons, voyons, sois plus calme et surtout ne va pas faire de bêtises. Il n’en vaut pas la peine. Au reste, il ne m’a presque rien dit. Il m’a appelée la belle ; c’était évidemment pour se moquer de moi.

— Qu’il ne se trouve pas au bout de mon fusil.

— Allons, mon pauvre homme, sois raisonnable. C’est son métier, à ce garde, de nous traquer, et à nous d’être plus fins que lui.

Giraud, sans répondre, se mit à manger la soupe fumante que précédait un civet confectionné avec un lapin de la garderie du père Billoin.

Sa femme l’imita après avoir servi les deux mioches, dont l’appétit était superbe.

Et le père s’attendrit soudain :

— Ce sera de rudes gâs à vingt ans, dit-il en soufflant sur sa soupe trop chaude.

Le lendemain, il y avait chasse, grande chasse dans la forêt de Beaumont. Le marquis de Curvilliers avait lancé de nombreuses invitations pour assister à l’hallali d’un superbe dix-cors, dont le second piqueur devait lever le pied, le matin même, sur la garderie de Billoin. En se rendant à son travail, Giraud prit comme d’ordi-