Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/52

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s’élancèrent au galop de leurs montures, tandis que le break et les voitures suivaient avec moins de précipitation.

Et toute la chasse disparut en un clin d’œil à la poursuite du cerf. Cette partie de la forêt devint soudainement déserte, les curieux ayant eux aussi quitté la place derrière les valets de chiens qui allaient disposer les relais.

Alors les braconniers-bûcherons interrompirent leur besogne. Ils écoutaient maintenant en gens du métier les aboiements lointains des chiens et le bien-aller que leur apportait une petite bise du Nord-Est.

— L’cornard, dit Giraud fils, se fait battre dans les côtes du vieux château. Il est frais pour descendre à l’iau et va revenir ruser dans le fourré où ils l’ont levé.

— Ça, c’est sûr, dit Lanfuiné.

— Eh ben ! j’ai toujours mon idée, continua Giraud. Si Billoin vient rôder par ici vous me préviendrez en criant : « V’là le cerf ! » Je serai fixé. Car s’il s’apercevait que je ne suis pas là, mon affaire serait bonne.

— Sois tranquille, fieu, répondit son père, nous veillerons au grain. Seulement c’est ben audacieux de ta part. Enfin puisque ça te fait plaisir, gâs.

Le braconnier, après avoir jeté un regard investigateur autour de lui, glissa son fusil sous sa longue blouse et disparut dans le taillis.

Les chiens aboyaient toujours dans le lointain et le bien-aller sortait par intervalles réguliers des trompes de chasse.

Les bûcherons se remirent au travail et les coups sourds des haches accompagnèrent les aboiements et les notes des cors.

Puis les bruits de chasse semblèrent se rapprocher. Insensiblement les voix des limiers devinrent plus distinctes, puis un dix-cors aux bois majestueux passa au galop dans la coupe, le poil déjà fumant à quelques pas de Lanfuiné qui faillit être renversé par la bête.

— Bon sang de Dieu, s’écria Giraud père, le fieu avait raison. Il revient au débucher. C’est l’habitude mais ça arrive plus tôt que je ne croyais. L’cornard a dépisté les chiens.