Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/61

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enfants marchent tout seuls depuis longtemps. Embauche-toi chez Beauvoisin, gâs.

Il suivit ce conseil et se remit à tracer des sillons avec la charrue dans les terres fertiles de la plaine du Neubourg.

Toutefois, il avait posé des conditions au fermier.

— Je préfère, lui avait-il dit, que vous me payiez quelques sous de plus plutôt que de manger le soir. J’aime mieux souper chez mé avec la bourgeoise.

— Estelle te tient donc toujours, avait répliqué en riant d’un gros rire Beauvoisin ? J’croyais qu’après deux mioches l’amour se refroidissait un peu, comme qui dirait la terre au mois de janvier. Paraît que je me suis trompé. Enfin, c’est ton affaire, mon garçon, et faut pas te contrarier. J’te donnerai cinq sous de plus par jour. Ça te va-t-il ?

— Faut ben.

— Pour lors, entendu. Seulement, n’oublie pas l’heure, le matin.

— Soyez tranquille.

— Puisque nous sommes d’accord, ça va. À demain, gâs.

— À demain.

Et il avait repris sa vie monotone de travailleur des champs.

Il avait d’ailleurs besoin de repos. Les nuits d’affût et celles qu’il avait dû passer en partie pour rentrer en possession de son fusil, l’avaient un peu surmené.

Estelle, effrayée par cette lutte qui commençait à devenir féroce entre son mari et Billoin, avait beaucoup insisté pour qu’il s’éloignât momentanément et il avait cédé.

Peu à peu il finit par se lasser de retourner tous les soirs au Val-Gallerand situé à une heure et demie de la ferme et resta à coucher, ne venant plus que le samedi, afin de passer la journée du dimanche près de sa femme.

Il profitait de ce congé hebdomadaire pour poser quelques collets et faire un coup de fusil avec le père sur la lisière de la forêt.

Il était rare que la bossue n’eût pas chaque semaine de quoi alimenter elle et sa progéniture. Seulement, le notaire