Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/70

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supérieur à celui de Thonorable conseiller général du canton, mais, si ce dernier avait exercé la profession d’avocat à Paris, au lieu d’être simple notaire de province, il eût sans nul doute égalé l’éloquence du fameux tribun.

— Et pas moins, s’écrie un gascon transplanté en Normandie, il ne parlait plus quand il défonça l’estrade.

Alors, tous pris d’un fou rire, secouent leurs ventres dodus où le cidre sommeille perpétuellement.

Ah ! c’est que l’aventure à laquelle ils font souvent allusion, est restée dans toutes les mémoires.

Au moment précis où Gambetta, en parlant de ses campagnes contre les monarchistes et les cléricaux, s’écriait pour peindre leur défaite :

— « Soudain tout s’écroule », l’estrade construite par un charpentier parcimonieux s’effondra et le tribun suivi de MM. Cazot et Spuller disparut dans le sous-sol, tandis que la foule répétait :

— Tout s’écroule.

On ne voyait plus que les petites jambes de Cazot qui, tombé malheureusement, s’agitaient désespérément dans le vide, pendant que sa tête à la place des pieds esquissait des demi-cercles sous le plancher affaissé.

Le préfet et son sous-préfet se précipitèrent, avec les notabilités et les gendarmes, au secours des victimes que l’on retira saines et sauves des décombres, et l’illustre homme d’Etat sur la partie de la tribune restée intacte continua son allocution.

— Et pas moins, répète presque chaque soir le gascon au Café moderne, lieu de réunion des envieux, il ne parlait plus quand il défonça l’estrade.

Mais il convient de dire que ces gens sont le petit nombre au Neubourg. Leur groupe minuscule n’est constitué que par des jeunes gens fougueux et des vieux évincés par le clan des politiques influents.

On peut dire qu’il n’existe qu’une nuance dans ce chef-lieu de canton où le commerce du plateau se donne rendez-vous — la républicaine. Quelques monarchistes néanmoins persistent à exprimer des opinions respectables à cause de leur grand âge.