Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/74

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deux coteries, disent les tranquilles que gênent ces batailles sans objet.

Ils sont en effet obligés, quoi qu’ils fassent, quoi qu’ils disent, de faire partie de l’une ou de l’autre, la neutralité n’étant point admise. S’ils ne se classent pas eux-mêmes, ils sont classés par les enragés et en butte à toutes les attaques.

Car ils constituent la classe des indécis, des girouettes et, lorsque surviennent les élections, ils sont littéralement assiégés. On se les dispute ; leurs voix, en effet, décident assez souvent de la majorité.

Les paysans en général se moquent de ces ardeurs politiques qu’ils ne comprennent pas. Ils n’ont qu’une préoccupation : remuer la terre pour qu’elle les nourrisse, et qu’une ambition électorale : élire celui qui représente le mieux leurs intérêts.

Encore ne se dérangent-ils pas pour voter, quand les luzernes, les foins ou le blé exigent leur présence dans les champs.

Aussi est-ce pour cette raison que le législateur fixe d’ordinaire, comme date des consultations populaires, la fin du mois d’août, époque à laquelle les gerbes de blé et d’avoine, les foins, les luzerqes et les trèfles reposent dans les greniers et les granges.

Tout ce mécanisme créé par des habitudes anciennes et les nécessités de l’existence n’est guère connu de ceux qui y sont soumis et chacun se donne une importance qu’il n’a pas.

Ainsi qu’à l’ordinaire, ce sont ceux dont l’utilité est discutable qui se gonflent le plus volontiers, ne songeant point qu’en général la campagne vivrait sans la ville, mais que la ville ne pourrait exister sans la campagne.

Il est bon quelquefois, pour remettre les choses au point, de sortir la vérité de son puits où les intérêts l’enfouissent.

Cependant, Giraud, sur la place rectangulaire, alignait méthodiquement ses sacs de blé avec l’aide d’un camarade.

Beauvoisin venait d’arriver dans sa carriole avec sa fille, dont les joues aux couleurs accentuées étaient un peu