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Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/75

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bleuies par un froid désagréable de mars. La bourgeoise était déjà installée, vendant son beurre, ses œufs et ses poulets.

— Hé ! gas, dit-il, ça va, le travail ?

— Pardine oui, maître Beauvoisin.

— Pas bougé, les cagnons ?

— Oh ! que non. Pas de danger.

— Eh bien ! va les conduire à l’écurie, gâs. Je te suis avec la Grise. Tu y donneras un coup de bouchon, parce qu’il faut que je revienne vivement au marché.

La place commençait à se remplir de monde. Les sacs de blé l’encombraient.

Sur l’un des bords, les tentes des marchands ambulants formaient la haie.

Là, sur des planches soutenues par des tréteaux, s’étageaient les pièces de laine ou de coton aux couleurs éclatantes, les tricots de laine marron, la cotonnade d’un bleu sombre pour les tabliers, les bonnets tuyautés artistement à la mode du pays, les bas rouges, bleus, gris, blanes, les cache-nez dans les mêmes nuances et les caleçons de futaine grise à l’usage des femmes mûres que les vents du nord impressionnent seulement.

Ailleurs la ferblanterie, seaux, casseroles, grils, marmites, chaudrons, à côté le marchand de vaisselles dont les assiettes peintes sont fort prisées.

Et puis les fromages aux odeurs magnifiques : le Livarot dont le parfum féroce intimide les narines délicates, le Pont-l’Evêque en forme de pavé, le Camembert enfin fort apprécié en Normandie.

Quelquefois une somnambule, un arracheur de dents, viennent jeter la note gaie et bruyante.

Les gens affairés circulent. Les femmes entourent les boutiques, tandis que les hommes, graves, discutent autour des sacs de blé.

— C’est pour rien.

— Comment pour rien ?

— Ben sûr, vingt-huit francs les deux hectos, ben sûr que c’est pour rien. Si vous étiez obligé de le faire pousser vous verriez que vous ne diriez pas la même chose.

Et les marchés se concluaient malgré les plaintes des