Page:Poisson - L'actrice nouvelle, 1722.djvu/11

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Il m’auroit fait crever, quoiqu’il fut Medecin ;
Tiens, dans cette maiſon je faiſois tout ſans aides,
Je Raſois, je Frotois, je portois les Remedes ;
Je faiſois la Cuiſine, & battois les Habits,
Je Balayois la Cour, & je faiſois les Lits ;
Ratiſſois le Jardin, habillois la Maitreſſe
Que te diray je enfin, courant, veillant ſans ceſſe,
Tantôt valet de Chambre, & tantôt Palfrenier,
Tantôt à la Toilette, & tantôt au Grenier,
Travaillant pour l’Epoux, agiſſant pour la Femme,
Je penſois le Cheval, & je peignois Madame

LISETTE.

Il falloit y reſter, peut être qu’à la fin,
Tu ſerois comme luy devenu Medecin.

FRONTIN.

Vous penſez vous moquer, mais apprenés la belle,
Que toujours le Valet, au Maître ſe modelle ;
Tel eſt nôtre deſtin chez ceux que nous ſervons,
Nous ſommes, mon enfant, de vrais Caméleons ;
Nous imitons leurs mœurs, leurs diſcours, leurs allures,
Et ſouvent nous prenons juſques à leurs figures.
Avec les Conſeillers, nous devenons Galans ;
Nous prenons un air grave avec les Preſidens ;
Servons nous un jaloux, il nous faut eſtre traittre,
Nous ſommes comme foux avec un petit maitre ;
Nous prenons un air doux chés le Beneficier ;
Et ſommes inſolents derrière un ſous Fermier ;
Mais ta Maitreſſe à toy, madame la Baronne,
Qui tranche de l’eſprit, & ſans raiſon raiſonne,
n’en parlerons nous point ?