Page:Poisson - L'actrice nouvelle, 1722.djvu/10

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Quand je vis le Poignard n’eſtre qu’un évantail.

LISETTE.

Parlons de ſon manege il ne ſe peut comprendre,
J’en ſçais auſſi des traits qui pourront te ſurprendre ;
Il faut qu’elle ait entrée en vingt mille Maiſons ;
Car avec tout le monde elle a des Liaiſons ;
Se meſle du barreau, de la Cour, de la guerre
Et rien je crois n’eſt fait, que par ſon miniſtere :
Qu’un employ ſoit vaquant, elle le fait avoir,
Sans trop ſolliciter à qui le peut vouloir
Un Mariage fait, elle le fait defaire ;
Une Terre vendüe, elle la fait retraire ;
Brouille tous ceux qui ſont étroitement liés,
Et racommode auſſi tous ceux qui ſont brouillés ;
Entre dans les détails des Charges, des Offices,
Des Fonds des Hopitaux, de ceux des Benefices ;
Par elle celuy là devient introducteur,
Celui-cy Secretaire, & l’autre Ambaſſadeur.
Non je ne penſe pas que perſonne en la vie,
Aye avec tel ſuccés ſceu pouſſer l’induſtrie
D’un Fripon qui voloit par tout impunement,
Elle en fit d’un ſeul mot, hier un Sous-traitant.
Cette Condition eſt ma foy ta Fortune.

FRONTIN.

Je l’achette bien cher, helas ſi c’en eſt une !
Je ne ſuis pas heureux dans mes conditions ;
J’ay toujours eſſuyé des tribulations :
Je me ſouviens d’avoir ſervy chez certain Homme,
S’il m’y falloit rentrer j’irois plutot à Rome.
Morbleu que celuy là me menoit joli train ;