Page:Poisson - L'actrice nouvelle, 1722.djvu/9

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Si ſon merite eſt ſur, il parlera pour elle ;
Eſtre loüé de gré, vaut bien mieux que par Zéle ;
Je ne ſuis point la dupe & je le dis tout net.
D’une Actrice qui vient aprés ſon Rôle fait,
D’un air de ſupliante entrer de Loge en Loge
Et de chaque payant arracher un éloge.

FRONTIN.

Ma Maîtreſſe fera bien pis encor, crois moy,
Je connois ſon eſprit, & te donne ma foy,
Que s’il en eſt qui vont dans les Loges pour plaire,
Celle-cy pourroit bien aller juſqu’au Parterre :
Tiens, Liſette elle eſt Folle, & d’elle il eſt cent traits,
Que l’on ne pourroit croire, & qui pourtant ſont vrais
De Fables, de Romans, ſa chambre eſt toute pleine ;
Sans ceſſe elle s’habille en Princeſſe Romaine ;
De ſa fille de Chambre elle a changé le nom.
Je crois qu’elle l’appelle : attendés : Charmion.
Elle me nomme Arcas, & puis tantot Auguſte.
Et celle qui nous fait la Cuiſine… Laucuſte.
Mais êcoute la peur qu’un jour elle me fit,
Quand j’y penſe j’en ſuis encor tout interdit :
Morbleu qu’on eſt à plaindre avec telle Maitreſſe :
Une nuit repetant ſon Rôlle de Lucrece
Elle entra dans ma chambre un Poignard à la main,
Et vouloit malgré moy, que je fiſſe Tarquin.

LISETTE.

Et : comment finit donc cette plaiſante Scene ?

FRONTIN.

A reprendre mes ſens j’eus d’abord quelque peine ;
Mais je revins à moy, pour finir ce detail,