Page:Poitevin - Petits poëtes français, t. 1, 1880.djvu/286

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Le rameau d’or est enfin découvert.
Ainsi le feu qui de cendre est couvert,
Impatient sous le poids qui l’opprime,
Cherche au dehors un souffle qui l’anime.
Les chastes sœurs servent aussi l’amour.
Si le talent vous conduit à leur cour,
En madrigaux présentez vos fleurettes,
Et modulez des concerts d’amourettes :

Mais n’allez pas, castillan ténébreux,
D’une Isabelle esclave langoureux,
Sous un balcon fatiguant des cruelles,
Transir de froid pour enflammer vos belles.
L’amant françois suit un autre chemin,
On le verra, le champagne à la main,
D’un vaudeville agaçant une belle,
Chanter gaîment son martyre pour elle.
Chez nous l’amour jouit d’un plus doux sort
On aime, on brûle, on expire, et l’on dort.
Il est des temps où la nature amante
Inspire à tous sa chaleur renaissante ;
Soupire alors : l’amour, ainsi que Mars,
A des saisons pour tenter les hasards.
Lorsque zéphyre a déployé ses ailes,
Il rend à tout des parures nouvelles,
L’émail aux prés, la verdure aux côteaux,
Le calme à l’onde, et l’ame aux végétaux.
Quand tout s’anime à ses douces haleines,
Vénus entière habite dans nos veines,
Répand ses feux qu’on n’y peut contenir :
Quand tout renaît, tout renaît pour s’unir.
C’est l’heureux temps des conquêtes rapides,
C’est la moisson du myrte des alcides.
Comme les fleurs, l’ame s’épanouit :
On voit, on aime, on plaît, et l’on jouit.
Gazon, berceau, trône et lit de verdure,
Sont à l’amour offerts par la nature.
Toi qui n’as pu, de Delphire amoureux,
De ses faveurs trouver l’instant heureux,
Viens l’égarer au fond de ce bocage ;
Ces bois sont faits pour sa pudeur sauvage.
Là, par degrés, dévoile tes amours ;
Dis qu’elle est belle, en l’égarant toujours.
Elle t’évite, et pourtant se hasarde :
Fuis, mais reviens ; fuis encor, mais regarde.
Suis, ne crains rien : cette ombre, ce séjour,
Cette horreur même, encouragent l’amour.
De ce gazon la fraîcheur vous attire ;
J’y vois la place où va tomber Delphire.
Achève, éprouve un instant de courroux ;
Meurs à ses pieds, embrasse ses genoux,
Baigne de pleurs cette main qu’elle oublie :
Elle rougit ; c’est sa fierté qui plie.
Elle se tait, l’amour parle ; crois-moi,
Presse, ose tout, et Delphire est à toi.
Quand les frimas du sagittaire humide
Glacent aux champs la dryade timide ;
Lorsque borée, à son triste retour,
Rend aux cités les belles et l’amour,
Par d’autres soins poursuis d’autres conquêtes ;
C’étoient des jeux, ce sont ici des fêtes.
Vole au théâtre, aux cercles, aux festins :
L’amour au bal a des succès certains.
L’éclat du lieu, le tumulte, la danse,
L’air du désir, la voix de la licence,
L’impunité du masque officieux,
Tout y fait naître un feu séditieux.
Écoute et parle un jargon téméraire :
Tout dire est l’art qui conduit à tout faire.

C’est au matin qu’un amant plus heureux
Saisit l’instant d’un réveil amoureux.
Arrive ; on sonne, on entre chez Aglaure ;
De ses rideaux mille amours vont éclore.
Elle est sans fard, sans voile, sans atour,
Ce que l’aurore est au berceau du jour.
À sa toilette assise avec mollesse,
La mode active, et le goût, et l’adresse,
Forment ces nœuds où leur art se confond
À méditer un frivole profond.
Les petits soins apportent sur leurs ailes
Ces riens galants, les trésors de nos belles.
Flore et Plutus mêlent élégamment
L’éclat des fleurs au feu du diamant,
Ornant tous deux, par un lent artifice,
De ses cheveux le moderne édifice.
À cet autel, paré de tant d’appas,
Quelque nérine ayant conduit tes pas,
À ton idole adresse un tendre hommage.
Quand sa beauté sourit à son image,
Lorsqu’un miroir complaisant et flatteur
Lui réfléchit un charme adulateur,
C’est le vrai temps où l’ame des coquettes
Suce le miel du jargon des fleurettes.
D’un jeune objet conçois-tu les plaisirs
De t’enflammer, d’exciter tes désirs,
D’être adoré, de s’adorer lui-même,
Et d’embellir aux yeux de ce qu’il aime ?
Nérine encor, car nérine peut tout,
En ta faveur décidera son goût.

Livre à ses soins le billet le plus tendre :
On peut tout lire, on ne peut tout entendre.
Pénètre encore aux toilettes du soir ;