Page:Poitevin - Petits poëtes français, t. 1, 1880.djvu/291

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Les chants d’amour de mille oiseaux divers,
L’onde et ses jeux, la fraîcheur et l’ombrage,
De la mollesse offrent partout l’image,
Et font sentir aux sujets de l’amour
L’esprit de feu qui règne en ce séjour.
Là, figurés par des marbres fidèles,
Les dieux amants sont offerts pour modèles.

Sous mille aspects, leurs groupes amoureux
De la déesse expriment tous les jeux.
C’étoit Léda sous un cygne étendue,
Neptune au sein d’Amymone éperdue,
Vénus aux bras d’Adonis enchanté.
Là, tout objet, vu pour être imité,
Fait une loi. Sous cent formes lui-même
Jupiter dit comme il faut que l’on aime.
Suivons des dieux dont l’empire est si doux ;
Adorons-les, ces dieux faits comme nous.
D’autres objets qui peuplent ces ombrages
Sont de l’amour les mobiles images.
Sur des gazons couronnés de berceaux,
Au fond des bois, dans les prés, dans les eaux,
Par mille jeux, mille études charmantes,
Cupidon même enseigne mille amantes,
Se reproduit sous les formes qu’il prend,
Toujours le même, et toujours différent.
Loin de ses sœurs, une grace timide
Suit dans les bois un faune qui la guide ;
Tendre et farouche, elle veut et défend,
Contient le faune à demi triomphant,
Fuit et l’appelle, et pardonne, et s’offense,
Pour mieux jouir suspend la jouissance ;
Prépare, amène, augmente ses désirs
Par des baisers, précurseurs des plaisirs ;
Ne rougit plus de parler et d’entendre,
S’émeut, arrive au transport le plus tendre ;
C’est Aglaé qui commande à son tour,
Et qui provoque et l’amant et l’amour ;
Reçoit, rend tout, et, mourant de tendresse,
N’accuse plus qu’un retard qui la blesse.
Près d’un autel, sous des pampres divins,
Dansoient au loin ménades et sylvains.
Aux yeux de tous, une folle bacchante
Paroît en l’air aux bras d’un corybante,
S’agite au bruit du sistre qu’elle entend,
Et veut l’excès du plaisir d’un instant :
Sa voix l’anime, et sa main chancelante
Presse un raisin sur sa bouche brûlante.
La double ivresse opère tour à tour ;
Bacchus reçoit les victimes d’amour ;
Et la thyade, en sa fougue nouvelle,
Chante évohé, danse, boit, et chancelle,
Peint son ivresse aux pas qu’elle décrit,
Et tombe aux pieds de Silène qui rit.
De cette orgie où régnoit le délire,
Aux bains d’amour un autre objet m’attire :
L’amant qui touche à ces magiques eaux
Reçoit une ame et des sens tout nouveaux.
Dans un bassin creusé par la nature,
Sur un fond pur dort une onde aussi pure :
C’est là qu’Olympe a suivi son amant.
À peine Iphis y descend un moment,
Qu’en lui s’allume une flamme nouvelle :
Olympe est nue, Iphis est nu comme elle ;
Elle en rougit, et, fuyant de ses bras,
Cherche dans l’onde un voile à ses appas.
Il suit, l’atteint ; et cette onde écumante
Reçoit Iphis aux bras de son amante.

Tous deux unis, sur le sable étendus,
Le flot pressé ne les sépare plus.
Sous les efforts de l’amant qui surnage
L’eau qui s’agite inonde son rivage,
Et, loin de nuire à leurs sens allumés,
Produit les feux dont ils sont consumés.
Telle n’est point, avec sa cour austère,
Diane au bain tristement solitaire :
Mais telle on vit la source de ces eaux
Où Salmacis brûloit dans ses roseaux,
Lorsqu’en ses bras la jeune enchanteresse
D’Hermaphrodite excita la tendresse ;
Lorsque, tous deux enivrés, éperdus,
L’amour unit leurs sexes confondus.
Mais quelle fête au temple me rappelle ?
Quel chant de joie y cause un nouveau zèle ?
Tout s’y prépare au sacrifice heureux
De deux amants liés des premiers nœuds.
L’amour amène aux pieds de l’immortelle
Zélide, Agis, colombes dignes d’elle ;
Tous deux sans art, brillants de ces attraits
Où la jeunesse imprima tous ses traits.
Tous deux comblés des dons du premier âge,
Ils s’adoroient ; mais, foible en son hommage,
L’amour captif attendoit son essor ;
Ils s’adoroient, mais s’ignoroient encor.
Ils s’épuisoient en stériles caresses,
Se prodiguoient d’inutiles tendresses.
Troublés, confus, leurs sens embarrassés
En leur parlant ne parloient point assez.

Entends nos vœux, dit-il ; vois les prémices
De deux amants qui cherchent tes délices :
Du dieu des cœurs nous connoissons la loi ;
Dignes de lui, rends-nous dignes de toi :
Pour mériter tes chaînes fortunées,