Page:Poitevin - Petits poëtes français, t. 1, 1880.djvu/292

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Accrois nos sens, ajoute à nos années :
Aide à l’amour qui s’épuise en désirs ;
Il donne un cœur, tu donnes les plaisirs.
Amants, dit-elle, oui, vous m’allez connoître ;
Venez jouir, et commencer à naître.
En les liant de festons amoureux,
De sa main même elle en serre les nœuds.
On les conduit par son ordre suprême
Au fond du temple, au lit de l’amour même,
Lieu de délice au vulgaire caché,
Où triompha le monstre de Psyché.
Sans la pâleur des flambeaux d’Hyménée
S’ouvrit pour eux la couche fortunée.
Là, tout à coup élancés, étendus,
Ils sont unis, éclipsés, confondus ;
Leur ame entière et s’égare et se noie
Dans un abîme et d’ivresse et de joie.
Pour tant d’amour, tant d’objets, tant d’appas,
Leurs sens unis ne leur suffisent pas.
Bientôt Agis en connoît mieux l’usage :
Plus irrité par l’obstacle de l’âge,
Agile et tendre, il presse, il est pressé,
Combat, assiège, embrasse, est embrassé,
Hâte ou suspend un succès trop rapide.
Il soupiroit, il nommoit sa Zélide :
Zélide enfin l’appelant à son tour,
Avec son nom part le cri de l’amour.
Dans le silence, une immobile extase
Rallume, étend le feu qui les embrase ;
Sur son amante Agis ouvre les yeux :
Piquante image ! Aspect délicieux !
Comme l’oiseau dont le vol se déploie,
Qui tout à coup plane en l’air sur sa proie ;
Agis ainsi, de retour au combat,
Reprend son vol, fond, s’élève, ou s’abat :
À sa défaite elle-même conspire,
En se pâmant Zélide encor soupire :
Agis se meurt ; et l’amour étonné,
Deux fois vainqueur, l’a deux fois couronné.
Ivre d’amour, de langueur abattue,
Elle suspend un plaisir qui la tue ;
Et dans les bras d’Agis et du sommeil
Tombe et s’endort, dans l’espoir du réveil.
Plus vigilant, plus heureux que Céphale,
Agis s’éveille ; et l’aube matinale
Offre à ses yeux, par de nouveaux appas,
Des voluptés qu’il ne connoissoit pas.
Zélide alors sans crainte, sans alarmes,
Aux yeux d’Agis prodiguoit tous ses charmes.
L’amour, un songe, et leurs douces chaleurs,
Couvroient son teint des plus vives couleurs.
C’est l’abandon, la langueur, la mollesse,
Et ce désordre où le plaisir nous laisse.
D’un de ses bras son front s’est couronné ;
Sur son amant l’autre est abandonné ;
De ses cheveux les boucles étalées
Sont dans les fleurs éparses et mêlées ;
Son sein respire, et, par son mouvement,
Près de son cœur appelle son amant.
Partout Agis voit, contemple, dévore
Ce qu’il a vu, ce qu’il veut voir encore.
Sa main avide, au gré de tous ses vœux,
Détache un voile, enlève ses cheveux,
Presse et parcourt le corail et l’albâtre :
Sur chaque objet un coup-d’œil idolâtre
Y précipite un baiser qui le suit.
Tel un ruisseau qui serpente et qui fuit,
Se repliant sur sa route fleurie,
Baigne l’émail de toute la prairie.
Tel est Agis. En vainqueur satisfait,
Il s’applaudit des ravages qu’il fait,
Et reconnoît sur des traces charmantes
De ses baisers les empreintes brûlantes.
Tu dors, Zélide, et je jouis sans toi !
Vois mon bonheur, regarde, écoute-moi !
J’ai cent plaisirs, tu n’as qu’un vain mensonge,
Et je te vois, quand tu ne vois qu’un songe !
Il soupira : Zélide l’entendit,
Ouvrit les yeux, soupira, s’étendit,
Leva sa main : hélas ! Sa main timide
N’osoit tomber ; Agis en fut le guide...
À cette approche, un feu qui les brûla
De veine en veine aussitôt circula.
Zélide, Agis, sur leurs bouches de flamme
Réunissoient les moitiés de leur ame :
Et si leur bouche est oisive un moment,
Organe utile à leur emportement,
Elle confond ces paroles de joie
Qu’à son amant une amante renvoie,
Ces noms, ces cris, ces soupirs agaçants,
Aiguillons sûrs des plaisirs renaissants.
Où suis-je, amour, et quel feu me dévore ?
Quels traits, dis-moi, peux-tu lancer encore ?
De tes fureurs cesse de m’agiter ;
Pour trop sentir, je ne puis plus chanter.
Ici, Daphné, couronne ton ouvrage ;
De nos plaisirs vois si j’ai peint l’image.
Pour toi l’amour dictant ce que j’écris