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Polichinelle

ni le baron Guiraud, ni Soumet n’eurent cure de lui. S’il eût vécu plus tard nous posséderions sur lui, comme sur Deburau, les feuilletons enthousiastes de Gautier ; on trouverait des traces de ses succès chez Nerval, Champfleury l’eût biographié, et Banville eût mis son apothéose dans ses Souvenirs.

Il passa inconnu, sans même obtenir la biographie et le portrait dont Mme Saqui a bénéficié. Il fut le dernier grand Polichinelle vivant et il n’a pas rencontré son Plutarque, ni son Appelles, car lorsque Cruishank et Charlet, un peu plus tard, voulurent dessiner Polichinelle, il n’était plus, et ils portèrent leurs crayons du côté de Guignol, où sans cesse de nouveaux Polichinelles renaissaient plus brillants de planchettes nouvelles et de pots de couleurs toutes neuves. Mais sa mort ne fut point la fin dramatique de Polichinelle.

Deburau ne joua que Pierrot, rien que Pierrot, et pour mieux dire il devint Pierrot lui-même, et Pierrot s’incarna en Deburau ; il s’y transforma ; il restait naïf, glouton, paillasse, poltron et la sensation ne durait chez lui qu’une minute, mais bientôt il se fit au surplus élégiaque et doux. Pierrot-Deburau avait l’âme assez grande pour ne pas écraser Polichinelle,