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Page:Polignac - Poésies magyares, Ollendorff, 1896.djvu/54

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TRISTE NUIT


 
Il est minuit bientôt et je ne puis dormir,
Car mes soucis cuisants je ne peux les chasser.
Que serai-je ? Que va devenir ma patrie ?
Cette double question me ronge toujours l’âme.
N’ai-je donc pas assez de mes propres soucis
Que tu m’agites, encor, amour de la patrie ?

Toujours ce sera donc le destin du poète
De ramer malgré tout sur la mer orageuse ?
Quoi ! ce serait en vain que le canot sauveur
Les ait ravi aux flots et conduit à la plage
Si mon tourment consiste à pleurer sur le sort
De ceux qui ont été abandonnés à bord.

Père ! Père !… pourquoi m’as-tu fait instruire ?
Que ne m’as-tu laissé diriger la charrue !
Le livre est habité par une fée trompeuse
Quand tu l’ouvres… soudain, elle te prend le cœur
Et l’emporte au galop vers la plus belle étoile
Puis, — le jette d’en haut au lieu de le descendre.

Mieux vaut fixer des yeux le soleil que le livre !
Son éclat éblouit et obscurcit la vue
Mais le livre, au contraire, renferme tout un monde
Qui donne à nos regards une vue plus profonde,