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Ce Paris dont j’ai peur, ce superbe bourreau
De Gilbert, de Lebras, d’Escousse et de Moreau,
Je voudrais qu’un matin tu visses nos rivages
Où le temps et les flots inscrivent leurs ravages :
Nos vaisseaux à vapeur dont les mâts rabougris
Sont toujours panachés d’un long nuage gris :
L’onde où l’on voit bondir nos vives escadrilles
Ainsi que nos beautés au milieu des quadrilles ;
Le sable que le vent soulève en tourbillons ;
Nos vaisseaux ombragés de brillants pavillons,
Qui semblent, dans la brume aux diaphanes stores,
De grands arbres couverts de feuilles tricolores.

Et tu retrouverais dans ces flots que je peins
L’harmonieux fracas des antiques sapins
Qui virent à leur pied, gigantesque cylindre,
Éclore ton génie aux bruits des flots de l’Indre !
Notre rade d’azur qu’Arago traversa
Bercerait ton esquif comme elle le berça.
Du fond de nos chantiers que Béranger égaie
Où ma voix prolétaire à chaque heure bégaie
Des cantiques d’espoir nés de tes nobles chants,
Peut-être entendrais-tu quelques accords touchants
Salut mélodieux jeté sur ton passage
Par ceux dont les labeurs ont hâlé le visage,
Comme une main chrétienne, alors que juin renaît
Jette au dais du Seigneur les flots d’or du genêt.