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Oui… l’hiver qui remplit les salons, les théâtres,
Remplit aussi la morgue et les amphithéâtres.
Heureux riches, pour vous cet hiver attrayant
Est le bourreau du pauvre : il tremble en le voyant :
Et quand le froid s’éveille aux derniers jours d’octobre,
Il rêve en frissonnant l’agonie ou l’opprobre.

Pourtant si quelque jour ce peuple se cabrait
Pour redevenir roi, qui l’en empêcherait ?
Quelle digue opposer aux torrents populaires
Enflés par tant de sang, de pleurs et de colères ?
De stupides soldats ? des canons étrangers ?
Mais l’on sait que le peuple, à l’heure des dangers,
Quand le poids de sa chaîne et de ses maux s’aggrave,
Secoue un haillon rouge, avec son fer y grave
Du pain ou la mort : puis, noble toréador,
Écrase le taureau royal aux cornes d’or,
Entasse, arme en un jour cent phalanges guerrières,
Refoule l’étranger, recule ses frontières.
Et ses liens brisés, ses combats glorieux,
Ses rois anéantis, ont prouvé que les deux,
Irrités comme lui de sa longue souffrance,
À ses sanglants excès avaient souscrit d’avance.

Riches, à vos plaisirs faites participer
Celui que les malheurs s’acharnent à frapper.