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S’illuminer. Je vis les vapeurs violettes
Estomper des vaisseaux les grises silhouettes.
Quelques fanaux lointains dessinaient dans la mer
De longs zigzags, pareils à l’anguleux éclair :
Et la forêt de mâts rendait de sourds murmures,
Comme un souffle orageux à travers des armures.

Dans un calme profond la ville s’endormait.
La lune, de nos toits blanchissait le sommet ;
Et sur les quais déserts mouraient les flots rapides.
Je crus entendre alors les deux caryatides,
Chef-d’œuvre dont Puget dota notre cité
Et que les traits du temps ont encor respecté,
Râler sous le fardeau qui fait gonfler leurs veines.
Je crus voir, de leur proue animant les poulaines,
Les navires marchands évoquer les héros
Dont ils portent l’image et le nom sur les flots.
C’était un rendez-vous de ces têtes sublimes
Qui de l’histoire humaine ont éclairé les cimes :
Socrate, Phidias, Pithagore, Newton,
Guttenberg, Raphaël, Mozart, Dante, Milton,
Et cent autres encor. J’écoutais leurs paroles.
Je les ressuscitais dans l’éclat de leurs rôles
Et je me sentais vivre aux siècles glorieux
Que ces noms immortels retracent à nos yeux.

Mais mon extase, hélas ! devait être éphémère.
La liqueur de la joie a tant de lie amère !