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Secouer sur tes jours, vierges de jalousie,
Toute mon amitié, toute ma poésie.

Oui, frère de mon cœur ! mes destins sont les tiens.
Et je tremble pour toi lorsqu’en nos entretiens,
Tu me dis qu’en ton âme aigrie et déchirée,
La résignation n’est pas encore entrée.

Scrute ton avenir, pauvre prédestiné,
À la plèbe, au travail pour jamais condamné.
Vois combien de Midas commenteront tes œuvres
Qu’ils ne comprendront pas ; et combien de couleuvres
Baveront, en sifflant, sur leurs points imparfaits !
Vois ces petits Crésus, qui prônent leurs bienfaits,
Accueillir tes débuts sous un masque hypocrite :
Puis, à leur vanité, dans leurs regards inscrite,
T’immoler sans pitié. Le génie est l’aimant
Qui de la foudre humaine attire l’élément :
Si tu dois la braver, viens sur son autel, Coste,
Offrir ta jeune tête en sublime holocauste !

II



Frère, ce tableau-là n’est point exagéré,
Car ces maux, tour à tour, m’ont moi-même ulcéré.
De toutes ces douleurs ma lèvre a bu le philtre
Et je sens qu’à travers mon cœur ce poison filtre.