Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/120

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trecoupée de sanglots, quand je taille notre soupe, j’ai le cœur qui se fend, et je me demande si la chère enfant a seulement du pain à manger… Où est-elle, mon Dieu ?… où est-elle ?… Quelque fois je me dis qu’à Paris il doit bien faire froid… vu que c’est au nord, par rapport à nous… et qui sait si elle a quasiment une brassée de bois pour se chauffer…

Sulpice étreignit sa mère dans ses bras, puis, il la repoussa doucement, et il se leva de son escabeau.

— Tenez, mère, dit-il, voici longtemps que j’ai une bonne idée… Je veux aller à Paris… Je finirai bien par la retrouver, notre Mariette… quand bien même Paris serait-il grand comme le restant du département.

Un geste d’effroi échappa à la mère Brulé.

— Ah ! malheureux, dit-elle, tu veux donc que ton père te tue ! Tu sais pourtant bien qu’il suffit de parler d’elle pour qu’il entre en fureur et parle de tout massacrer !

— Je sais bien ça, répondit Sulpice, mais ce n’est pas pour moi que j’ai peur… c’est plutôt pour vous, mère… vu que, lorsque vous êtes seule, avec lui, il vous bat.

— Ah ! Seigneur-Dieu ! murmura la pauvre femme, que toute sa colère tombe sur moi, mais qu’il t’épargne, toi, mon enfant, toi le bon fils et le bon sujet.

— Faut vous dire, reprit Sulpice, que j’ai une idée… oh ! une fameuse, pour aller à Paris, sans que mon père se doute de la vraie vérité. Vous savez, mon oncle Jean, votre propre frère, qui est maître-flotteur à Clamecy…

Au nom de son frère, la mère Brulé sentit redoubler ses larmes.